Nouvelle

« Il n’y a rien de plus rapide que la vitesse de la confiance »

Dans les derniers mois, à Projet collectif, cette idée toute simple a fait son chemin dans nos conversations, et est en voie de devenir un principe important dans notre culture. Cette phrase entendue et adaptée par notre collègue Marie-Soleil, et attribuable au journaliste danois Morten Jastrup, nous rappelle que la base de tout se trouve dans la qualité et la sincérité des relations humaines. Et la confiance, ça prend du temps.

Notre société est hyper-structurée et hyper-rapide. Et j’oserais dire qu’elle l’est beaucoup trop. Je dis cela en étant moi-même une incarnation parfois gênante de quelqu’un d’hyper-structuré (vous me demanderez de vous parler de notre système de gestion de nos épices à la maison) et d’hyper-rapide (je n’ose pas vous dire à quel point mon traitement de courriels entrants se fait rapidement).

Ce paradigme de l’efficacité et de l’organisation se manifeste partout. Des concepts tels que la créativité et l’innovation donnent place à des écoles, des conférences internationales, des incubateurs, des laboratoires et des programmes de toutes sortes. Partout dans le milieu du travail, on adore structurer des choses: des documents, des projets, des programmes, des réseaux nationaux ou régionaux, des grandes démarches multi-partenaires, des pratiques professionnelles, etc.

Bien sûr, il y a de grandes vertus à avoir des projets, organisations et écosystèmes bien organisés, clairement définis, qui avancent bien et avec fluidité. Mais lorsque l’on se rappelle qu’une organisation ou une communauté, ce n’est au final qu’un groupe d’humain·es qui partagent quelque-chose ensemble, on peut se demander si cette vitesse effrénée et tous ces échafaudages de processus et de structures organisationnelles complexes sont des conditions dans lesquelles ont peut encore s’épanouir. Voilà un piège sournois, dans lequel je suis pratiquement toujours tombé dans ma vie, mais dont je prends de plus en plus conscience. Celui d’alimenter un rythme et une culture de l’hyper-structure et de l’hyper-rapidité au détriment de l’essentiel: l’authenticité des relations humaines.

En octobre dernier, nous avons tenu un lac-à-l’épaule d’équipe, que nous avons (justement) voulu le plus informel possible, afin de laisser libre cours à des discussions naturelles. Ainsi, au gré des moments de promenade en forêt, de partage d’anecdotes, de cuisine collective, et de délires de fin de soirée, nous avons eu de riches discussions qui nous ont amené à simplement être nous-même, ensemble. Nos discussions nous ont amené à creuser cette question de notre rapport au temps, à la rapidité de nos actions, et à l’importance des liens de confiance entre nous comme équipe, mais aussi entre les personnes des écosystèmes dans lesquels nous évoluons.

Voici quelques-uns des éléments de réflexion qui sont sorties de ces échanges:

  • Pouvons-nous intégrer à Projet collectif la notion de saisonnalité? Et si l’ensemble de nos projets prenaient officiellement relâche pendant l’été? Cela pourrait-il permettre de prendre le temps pour un réel recul réflexif?
  • Comment pouvons-nous réfléchir nos interventions de manière à ce qu’interagir ou collaborer avec Projet collectif soit une expérience qui ne soit pas précipitée, qui offre du temps aux personnes impliquées?
  • Comment utiliser la marche comme prétexte et lieu d’échanges pour créer de la reliance entre les membres de l’équipe, le CA, les collaborateur·trices, les utilisateur·trices et le territoire?
  • Comment s’assurer que cette visibilisation ne soit pas cadrée ou analysée au travers les valeurs capitalistes (productivité, accélération) mais plutôt dans une perspective de coopération, d’entraide et de résilience?
  • Comment passer de l’éco-anxiété, de la performance-anxiété au droit d’être fâché contre ce qui cause les crises écologiques et l’accélération?
  • Comment réévaluer les indicateurs de performance clés qui sont en contradiction avec le concept des communs? Des termes comme «consommer, travailler» peuvent-il devenir «participer, valoriser»? Peut-on revendiquer le droit de répondre à quelque chose qui ne donne pas d’argent au final?

Au plaisir de prendre le temps de réfléchir à ces questions épineuses et importantes avec vous!

Une contribution de Vincent Chapdelaine

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