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En commun : Retour d’expérience

Nous sommes très fébriles, à la veille de la mise en ligne d’une version bêta d’En commun. Nous finalisons les derniers préparatifs avant de vous accueillir dans ce nouvel environnement numérique, comme s’il s’agissait d’un réel lieu physique : ranger les pots de peinture, s’assurer que l’espace est sécurisé, ajuster l’éclairage… Tout en espérant que vous vous sentirez chez vous et que vous aurez envie d’occuper ces lieux avec nous. Ce billet propose un retour sur une expérience collective de construction qui a été forte en émotions.

 

Une longue incubation

Développer une plateforme numérique, c’est comme sculpter un objet minuscule dans un vaste univers de possibles. Avec des moyens limités et avec beaucoup d’humilité, nous apportons notre contribution sur des volets très ciblés, ici la collaboration et l’accès aux connaissances.

En cours de chantier, il y a de nombreux petits deuils, puisque plusieurs idées doivent être mises de côté, du moins pour l’instant. Se concentrer sur une « version minimale fonctionnelle », c’est choisir ce qui compte le plus, retenir seulement ce qui nous semble incontournable. Or, nous n’avons pas tous la même perception de ce qui est incontournable : il faut en discuter, confronter les idées, miser sur l’intelligence collective et se faire mutuellement confiance. Même si l’équipe de développeuses est extraordinaire, nous rencontrons en cours de route des limitations techniques qui nous amènent à faire un pas en arrière et à constamment requestionner les priorités.

Des sources d’inspiration

En commun prend racine dans des idées qui germent depuis longtemps. Certaines inspirations viennent même de discussions qui datent du début des années 2000, alors que certaines personnes avaient l’intuition que la défense de la démocratisation du web devait s’appuyer sur une mobilisation citoyenne. L’emprise grandissante des GAFAM, les années suivantes, est venue confirmer ces intuitions, mais aussi rendre la tâche plus difficile. Les personnes impliquées dans le développement d’En commun ont chacun leur cheminement et leurs expériences passées qui convergent aujourd’hui dans un projet commun.

En commun prend aussi racine dans des expérimentations grandeur nature, comme la première version de Passerelles, alors portée par le TIESS. Cette aventure, qui a débuté il y a 7 ans, a été un réel laboratoire pour apprendre à se connaître et à travailler ensemble, pour mieux comprendre les pratiques numériques et les défis liés à la « transformation numérique » des organisations et de l’écosystème. Elle a aussi permis de constituer une communauté de personnes qui souhaitent se soutenir dans leurs actions et de mobiliser des individus qui s’impliquent aujourd’hui dans la réflexion sur la conception et le déploiement de la plateforme. C’est là quelque chose de rassurant : En commun s’appuie sur une équipe, sur un réseau de complices et sur une communauté naissante.

Un pari audacieux

Le pari reste néanmoins risqué et nous en avons bien conscience. Développer de nouvelles habitudes dans un nouvel environnement requiert beaucoup d’efforts ainsi qu’une importante force d’attraction. Ça demande également d’avoir un lieu virtuel à la hauteur des attentes, dans un contexte de moyens limités dans un milieu hautement compétitif.  C’est donc audacieux de mettre en ligne « un outil de plus » alors que notre vie numérique se caractérise par la dispersion et la surabondance d’informations.

Nous sommes néanmoins persuadé·es qu’En commun répond à un besoin bien précis auxquelles les plateformes actuelles ne répondent pas actuellement, que ce soit en termes de fonctionnalités ou en raison de la présence d’une équipe d’animation et de soutien. Nous pensons aussi que notre manière de collaborer, d’apprendre et de croiser nos perspectives est influencée par les outils et leur design. Par exemple, l’accessibilité et l’absence d’algorithmes qui influencent nos comportements à des fins commerciales nous apparaissent comme essentiels si on souhaite créer des solidarités profondes.

Nous croyons finalement que l’important réside dans la communauté qui se constitue et dans la confiance qui se développe entre les individus qui la composent. Face aux chambres d’échos, à la polarisation et au climat trop souvent toxique que l’on retrouve sur les plateformes, nous avons besoin d’ouverture, d’espaces sécuritaires et d’échanges sincères. Dans toutes les discussions que nous avons avec vous, nous sentons un réel appétit pour brasser les cartes et redéfinir les manières dont nous créons ensemble.

Un processus qui reste ouvert

La conception et le développement ont été un cheminement coloré. La route a été parsemée d’émotions fortes, de la table à dessin aux discussions en marchant dans la forêt, en passant par des analyses de dizaines de plateformes, des discussions techniques pointues, des débats animés sur l’architecture ou la terminologie, des réflexions philosophiques sur les données ou les connaissances, etc. Derrière le code se cachent aussi des inquiétudes face à un monde instable et des aspirations partagées pour la suite des choses : comment apprendre à mieux dialoguer, collaborer et prendre soin de nous collectivement?

En toute transparence, notre processus a été hautement itératif et il est loin d’être terminé. Je salue d’ailleurs l’ouverture et la patience des conceptrices graphiques et développeuses, qui nous ont accompagné·es dans nos multiples changements d’idées. À force d’y réfléchir, d’expérimenter des versions préliminaires, d’en discuter avec vous et de tester, nous changeons des mots, le design et parfois même des éléments architecturaux et ce, alors que les premiers étages sont déjà construits.

À nos yeux, cette plateforme et ses contenus sont un commun et une réelle action de commoning. Autant sa création repose sur l’engagement d’une communauté pour répondre à des besoins et aspirations partagées, autant les prochaines étapes reposent sur l’élargissement et la consolidation de cette communauté. Nous ne savons pas encore comment l’environnement sera utilisé et comment ces usages feront émerger de nouveaux besoins, peut-être même de nouvelles manières de travailler ensemble, dans le virtuel comme réel.

Une version bêta

La mise en ligne d’En commun, dans quelques jours, est donc une petite itération dans une grande démarche qui, nous l’espérons, s’échelonnera sur plusieurs années. Depuis janvier, nous avons effectué des tests avec certain·es d’entre vous et vos commentaires ont été précieux. Nous avons aussi commencé avec l’équipe interne un travail de valorisation des nombreuses archives de Passerelles 1, un travail qui se poursuivra avec vous dans les prochains mois.

En commun n’est pas encore un produit « fini », c’est une version « bêta publique », c’est-à-dire que nous la mettons au jeu pour la tester dans un contexte réel. Nous en sommes très fier·es, mais vous y trouverez des bogues, des imprécisions et des zones de flous. Vous aurez sans doute des hésitations, peut-être même de petites déceptions ou frustrations. C’est une étape normale et souhaitable pour mieux faire évoluer l’environnement ensemble. L’espace sera ouvert alors qu’il reste en chantier.

Il en va de même pour l’animation, le soutien et les méthodologies qui sont mises en œuvre par l’équipe de Projet collectif. Nous expérimentons et avançons par essais et erreurs. Nous vous invitons à adopter la même posture : on expérimente et on se donne le droit à l’erreur. Vos communautés sur Passerelles et vos carnets sur Praxis ne seront peut-être pas parfaits, et c’est correct comme ça. Nous mettons au jeu nos aspirations, nos idées et peut-être nos vulnérabilités, avec humilité. C’est aussi ça, réapprendre à collaborer.


Et d’autres étapes à venir

Avant même sa mise en ligne, les idées pour les prochains développements sont déjà nombreuses, et nous savons que la liste de souhaits s’allongera au cours des prochaines semaines. Il faudra en discuter ensemble, prioriser, être créatif·ves et peut-être générer ensemble des effets leviers pour amasser davantage de fonds.

La prochaine étape sera de consolider les bases existantes et d’améliorer la plateforme d’ici à l’automne. La communauté de base va se solidifier et s’élargir progressivement. L’équipe de Projet collectif sera bien présente pour animer, pour soutenir vos démarches et pour réfléchir ensemble à la manière de partager nos apprentissages.

Nous préparons aussi un lancement public qui aura lieu en octobre! Ce sera un événement festif que nous espérons mémorable.

Et ensuite, quoi? L’édition collaborative en temps réel, des calendriers partagés, une application mobile, la possibilité d’intégrer des carnets sur des sites externes? Ou tout ça? Nous avons bien hâte d’en discuter avec vous. Nous avons surtout très hâte de vous accueillir et de mettre en commun nos idées pour la suite de ce(s) monde(s).

– Un billet de Joël Nadeau

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